C'est de cette fleur que devient ma plume que mes mots jailliront sur ce papier. C'est de cet encéphale que mes termes prendront leurs sens. C'est de cette âme torturée par le rien que les lettres couleront et suinteront de souffrance. Je t'écris cette missive pour une simple raison, celle de l'envie. Mon humeur tend à changer, comme transformée par le temps, le soleil perce l'épaisse brume, mais reste trop faible pour réellement m'éclairer. Des sentiments raniment ce cœur de pierre usé par la défaite et les espoirs. Le jour se lève enfin sur les années de nuit qui ont comblées ma vie, avec cette fraiche rosée sur les pétales de mon ivresse. Les larmes se décantent et sèchent, mes joues revêtent le grenat dépassé. Ma bouche s'élargi et ma voix s'accorde, la platitude d'autrefois fera l'allégresse de demain, sous ce ciel azuré dénué de brouillard.
Malgré cela, je reste l'homme misanthrope, celui esseulé, restant nuit et jour aux fenêtres de son antre et guettant la moindre source d'inspiration. Je reste l'homme antipathique, tendant à honnir ses congénères, croyant que la vie se bâtit seule et qu'elle recueille en son sein un seul et unique acteur, moi-même. Les jours passent sans même une pause, laissant les prières et les vœux aux faibles, ils filent, sans même un regard, devant ces hommes agenouillés implorant quelques pardons. Le temps les accompagne d'un sourire narquois et cible, du plus profond de ses pupilles, les gracieux et les arrogants, leur affligeant leurs pires affres : la médiocrité et ignorance. Pourtant nous pouvons résister, par les mots et les rêveries. Faire de ces monotones heures de longs instants de ravissement. Repoussant les marasmes tant bien que mal, dans l'espoir de voir s'éveiller un songe reclus. Le trépas changera son gouvernail et fuira loin de ces terres qui seront à présent nôtres. Je souhaiterai te voir relever la tête et cracher au monde la propension qui est tienne, l'inclination à la beauté et au goût. J'aimerai te voir écrire tes peines, les emprisonner sur chaque feuille puis les brûler. Je voudrai te voir songer, tête contre terre, les yeux rivés sur les cieux pour en décrire ses moindres détails, comme absorbée par l'art terrestre et envoutée d'une poésie que seule toi connais.
Pas une journée ne s'écoule sans que mon crâne ne s'encombre de ton souvenir, et pourtant, tu n'as jamais été aussi présente, comme une égérie vouée à la tâche qui est sienne. Ceci n'est pas un éloge, c'est une vérité que seul le recul dégage d'entre le flou qui guette le souffle. Depuis peu nous tentons de raccommoder les pièces éclatées qui gisent sur la terre de notre vécu, les aiguilles percent nos tissus et les rapprochent, peut-être cela durera-t-il.
Lettre.